Adoptée au début des années 2000 en France et au Québec, l’agriculture raisonnée repose sur une approche conjuguant la viabilité économique, la responsabilité écologique et l’acceptation sociétale de l’exploitation agricole au sein de la société civile.
En trouvant un équilibre entre la production agricole et la préservation de l’environnement, en minimisant les impacts négatifs sur les écosystèmes, la biodiversité et les ressources naturelles, cette pratique met l’accent sur la protection des sols, de l’eau et de l’air et sur le bien-être animal.
Mais de quelle manière ?
C’est le décret no 2002-631 du 25 avril 2002 qui fixe, en théorie, les contours de ce principe : « les modes de production raisonnés en agriculture consistent en la mise en œuvre, par l’exploitant agricole sur l’ensemble de son exploitation dans une approche globale de celle-ci, de moyens techniques et de pratiques agricoles conformes aux exigences du référentiel de l’agriculture raisonnée ».
Un peu vague, n’est-ce pas ?
Existe-t-il une différence entre agriculture raisonnée et biologique ? On est en mesure de se le demander, la valse des étiquettes et des appellations pouvant parfois donner le tournis aux consommateurs !
Aujourd’hui, L’Autre Saison met un coup de projecteur sur l’agriculture raisonnée. Ses forces, ses faiblesses, ses grands principes et ses détracteurs.
Lisez cet article complet et devenez incollable sur l’agriculture raisonnée !
Les principes de l’agriculture raisonnée
103 principes nationaux ont été dictés entre 2002 et 2005, année des derniers ajouts au Bulletin officiel. Il s’agit d’un référentiel portant sur l’environnement, les risques sanitaires, la santé et la sécurité au travail, sans oublier le bien-être des animaux.
Dans les grandes lignes, voici les lignes directrices du concept :
L’agriculture raisonnée modère l’utilisation des pesticides, herbicides et intrants chimiques, et privilégie les méthodes dites alternatives comme la rotation des cultures, l’utilisation des plantes compagnes et la lutte biologique (grâce à des espèces amies).
En effet, pratiquer la rotation des cultures est un réflexe ancestral que les paysans ont toujours mis en œuvre. Cela permet de prévenir l’appauvrissement des sols, de réduire les maladies et les ravageurs. Grâce à une rotation des cultures intelligentes (en alternant légumes racines et feuilles par exemple), la biodiversité est favorisée.
La question de l’eau est également au centre de la table. Il s’agit d’optimiser l’irrigation afin de minimiser la consommation d’eau et d’éviter le gaspillage. On évite d’arroser en plein après-midi, on favorise le paillage quand c’est possible, on cultive des variétés moins gourmandes en eau. Le bon sens, en fait !
De la même manière, l’agriculture raisonnée encourage la création d’habitats bénéfiques à la faune, comme haies, bandes enherbées, étangs, etc. pour préserver la diversité biologique. Oiseaux, insectes et petits vertébrés y vivant en grand nombre : passereaux, souris, coccinelles…
Enfin, les pratiques d’élevage respectueuses des animaux sont promues (alimentation équilibrée, espace suffisant, absence de cruauté…).
Sur le papier, l’ensemble de ces préceptes, s’ils est tenu, est de concilier production agricole et préservation de l’environnement à long terme. En diminuant les impacts négatifs sur l’environnement, les agriculteurs partenaires participent à une production alimentaire suffisante, répondant ainsi aux besoins alimentaires des populations.
Portée par le FARRE (Forum des Agriculteurs Responsables Respectueux de l’Environnement), l’agriculture raisonnée fut réglementée par les ministères de l’Agriculture et de l’Écologie jusqu’au 9 octobre 2013, un décret entérinant alors le « passage définitif de l’agriculture raisonnée à la certification environnementale », dont le plus haut niveau de labellisation revient à la HVE (Haute Valeur Environnementale).
Aujourd’hui, même si le terme est encore utilisé, un flou persiste quant à la portée de cette appellation. Quelle démarche privilégier ? Raisonnée ou biologique ?
Les différences entre agriculture raisonnée et biologique
Même si ces deux approches partagent des valeurs communes en termes de durabilité et de respect de l’environnement, elles diffèrent dans leurs exigences, leurs normes et leurs méthodes d’évaluation.
Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : l’agriculture raisonnée est peut-être imparfaite, mais elle a au moins le mérite d’exister !
Si l’agriculture biologique interdit l’utilisation de produits chimiques de synthèse, l’agriculture raisonnée autorise une utilisation modérée de ces produits, dans le respect des normes et des réglementations en vigueur.
Du côté certification, alors que l’agriculture biologique est soumise à une réglementation stricte et à une utilisation des labels encadrée, l’agriculture raisonnée est soumise à un cahier des charges moins contraignant : difficile de savoir quelles pratiques se cachent derrière chaque exploitant !
Si l’agriculture biologique encourage une approche holistique de la pratique agricole, en englobant santé des sols, biodiversité, bien-être animal et utilisation de méthodes naturelles, l’agriculture raisonnée peut ou non se concentrer sur certains aspects d’une agriculture dite durable, comme la réduction des déchets ou autre…un peu en fonction de la personnalité de l’exploitant et de sa sensibilité naturelle pour telle ou telle problématique.
Les produits issus de l’agriculture biologique, étiquetés notamment avec le label AB, permettent une identification plus aisée, tandis que l’agriculture raisonnée est tributaire de chaque exploitation et de chaque pratique, regroupant sous une même bannière, des pratiques bien différentes.
On peut ainsi opposer la flexibilité de l’agriculture raisonnée à l’approche, plus réglementée, de l’agriculture biologique. Dans un cas, le consommateur peut être rassuré sur le cahier des charges, dans l’autre, rien n’atteste des bonnes pratiques de culture…
Avantages et inconvénients de l’agriculture raisonnée
Ce qui fait l’agriculture raisonnée fait aussi le beurre de ses détracteurs !
Son manque de transparence, l’insuffisante traçabilité des modes de production, la préservation des intérêts économiques et le risque de greenwashing placent l’agriculture raisonnée dans une position pas toujours confortable.
Bien évidemment, ces critiques ne remettent pas en question l’importance d’adopter des pratiques agricoles plus vertes, mais soulignent la nécessité d’une meilleure réglementation, la mise en place de normes claires et de mécanismes de validation et de vérification pour garantir et affirmer la crédibilité et l’efficacité de l’agriculture raisonnée.
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